Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, Tome II, 1877.djvu/278

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nait de condamner, mais qui, pour cela peut-être, ne devait pas mourir de longtemps encore. Noémie voulut retarder son départ, et même remettre sa visite au lendemain matin. Mais le pèlerin ne le permit point et sollicita de la jeune fille l’honneur de l’accompagner. Noémie se donna bien garde de rejeter une prière qui lui causait un vif plaisir. Les deux amoureux partirent à pied, sur le bord du chemin sec et poudreux comme au temps de la chaleur. Les champs étaient remplis de moissonneurs. On entendait les cris des conducteurs de charrettes qui gourmandaient les chevaux paresseux ou brouillons. Il y a, à l’approche du triste et morne hiver, un redoublement de vie, à l’approche du soir un redoublement d’éclat dans le soleil. Joseph et Noémie passèrent devant la maison fermée de défunt Jean Letellier. Des souvenirs en foule inondèrent leurs esprits. Ils s’arrêtèrent pour se recueillir. Leurs regards plongèrent par les fenêtres dans les appartements déserts. C’est là que naguère, tous deux muets, silencieux, ils étaient venus, entraînés, lui par l’invincible besoin de revoir ces lieux encore tout empreints des traces bénies de sa mère et de son père, elle