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le calvaire

Un vieux, le plus âgé, je crois, de nos villages,
S’agenouillait plus loin.
S’agenouillait plus loin.Nous, les enfants volages,
Nous cherchions un gazon doux comme le velours.
Lui, le vieux, dont les ans étaient pourtant bien lourds,
Semblait aimer la pierre où la chair se déchire.
Il regardait le Dieu penchant son front de cire,
Son beau front couronné d’épines et souillé ;
Et, quelquefois aussi, de son regard mouillé
Il nous enveloppait avec sollicitude.

Nous étions bien légers, mais d’honnête attitude.
Quelquefois cependant nous répondions : Amen,
En riant aux oiseaux qui fêtaient leur hymen
Dans les hauts peupliers, tout autour du calvaire.
J’étais, sans le savoir, un sauvage trouvère.
Je ne connaissais rien au-delà des hameaux,
Et la gloire et l’amour étaient pour moi des mots.
Mais je trouvais à vivre un indicible charme…
Et pourtant l’avenir sonnait comme une alarme
Dans mon esprit naïf et plein d’obscurité :
Je devinais si peu la sainte vérité
Qu’à tout homme au cœur droit le ciel un jour révèle.

Enfin, comme les blés que le faucheur nivèle,
Tous les fronts se penchaient touchant le sol béni.