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les épis


* * *

C’est le retour. Les champs nous semblent élargis.
La marche est lente. Enfin nous rentrons au logis,
Portant avec orgueil le némoral trophée.
Grand’mère est là toujours, comme une bonne fée,
Dans son fauteuil qu’effleure un rayon du foyer.
Entendre chanter l’eau, voir la flamme ondoyer,
Le chaudron enfumé pendre à la crémaillère,
C’est sa plus douce joie, à la pauvre grand’mère.

Pourtant elle dormait alors, le front penché.
Elle tenait encor son rameau desséché,
Et, sur ses traits maigris la tristesse était peinte,
La tristesse des vieux. Puis, sur la branche sainte,
Rosée amère et pure, étaient tombés des pleurs
Que les tisons montraient en des jets de lueurs,
Et qu’ils faisaient briller comme de riches pierres.
Sans troubler le sommeil de ses lourdes paupières,
Je m’empare aussitôt du cher rameau fané,
Puis, afin que jamais il ne soit profané,
Je le jette au brasier. Dans sa main entr’ouverte
J’en mets un dont la feuille est abondante et verte.