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au laboureur

Au laboureur


Depuis l’aube d’opale et la fraîche rosée,
Ô vaillant laboureur ! ne s’est point reposée
La charrue au coutre tranchant,
Ne s’est point reposé le bœuf aux longues cornes.
Le sol grince toujours, et toujours des yeux mornes
Regardent tristement ton champ.

À quoi donc songes-tu quand tu vas tête basse,
Ouvrant dans le sol noir, malgré ta jambe lasse,
Un sillon après un sillon ?
Vois-tu les blés flotter comme des oriflammes ?
Songes-tu que le ciel, pour réveiller les âmes,
Les déchire de l’aiguillon ?

L’Angélus du midi dans le vieux clocher tinte.
Quitte les mancherons. Ta foi n’est pas éteinte,
Vieux laboureur aux bras tannés.
Signe-toi. Lève haut ton front coupé de rides.
Le labour fait verdir les sols qui sont arides,
La prière, les cœurs fanés.