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épître

De leurs quatorze enfants, trois sont au cimetière.
Les autres, moins pressés, passent leur vie entière
À lutter pour se faire une place au soleil.

Donc, j’entends bien des cris, le matin, au réveil.
Je vois aussi, malgré la grippe et les névroses,
Rire, sur l’oreiller, bien des figures roses,
Et je demande au ciel, qui sait tous mes soucis,
De combler ma maison, et puis… mes déficits.

Je songe à me tailler, ambitions humaines !
Dans quelque forêt vierge, un de ces beaux domaines
Qu’en vain les créanciers cherchent d’un œil hagard.
Oui, puisque mon pays montre un si grand égard
Pour les foyers bruyants ou le marmot fourmille,
Puisqu’il se joint au ciel, pour bénir la famille
Où l’amour conjugal dédaigne de tricher,
Et qu’il lui donne un coin du sol à défricher,
Oui, je me fais colon…
Oui, je me fais colon…S’il vous plaît, mes cent acres !

Ô bois mystérieux, j’aime vos senteurs âcres !
Vous roulez sous les vents comme une mer qui bout,
Mais la tempête passe et vous restez debout.