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les épis

À ce coup d’encensoir de ton vieux compagnon,
Rougis, si tu le veux, derrière ton lorgnon ;
Je fus enfant de chœur, et sais comme on encense.
On n’y met pas toujours une telle innocence,
Et souvent les parfums sont hélas ! profanés,
Ou l’encensoir, au vol, casse un illustre nez.

Mais si je n’écris plus, je regarde, je pense…
Est-il vrai que tout mal ou tout bien se compense ?
Je n’en crois rien. Et nul ne me montre, parfaits,
La peine de la faute ou le prix des bienfaits.
Je souffre… pas assez pour que l’orgueil se rende ;
Je jouis… pas beaucoup pour une ardeur si grande.
Il me faut autre chose, il me faut autre lieu ;
Où donc est l’équilibre ? où le juste milieu ?
J’effleure à peine l’onde où la foule se baigne.
Je ris et j’ai des pleurs, je chante et mon cœur saigne…
La douleur est trop vraie et le bonheur, trop faux.
À commencer par moi tout est plein de défauts.

Je partirai sans bruit, comme un roseau que brise
Le pied d’une alouette ou l’aile d’une brise.
Tous partiront de même, et chacun à son tour.
Départ mystérieux, étrange, sans retour…