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les épis

Les marmots tout trempés paraissaient ahuris.
Leurs pas étaient peu sûrs et leurs regards timides,
Mais les baisers pleuvaient sur leurs têtes humides.
Alors du champ voisin un cri s’est élevé ;
C’est la veuve Rousseau :
C’est la veuve Rousseau : — Mon gars est-il sauvé ?
Mon cher petit Maurice !… Est-il sauvé, dit-elle ?…
Sa voix tremble. Elle éprouve une angoisse mortelle.
Personne ne répond.
Personne ne répond. Elle éclate en sanglots
Et court, tout affolée, en regardant les flots.

Comme un flocon d’écume, ô scène ineffaçable !
La vague apporte alors le petit sur le sable…
Depuis, la pauvre mère a perdu la raison.
Regardez, la voici qui sort de sa maison…
N’allez pas la troubler, Laissez-lui l’espérance.
Elle cherche toujours, et sa persévérance
A quelque chose, hélas ! qui fait mal. Désormais
Elle va rester seule à pleurer, et jamais
L’être aimé qu’elle appelle en se penchant sur l’onde,
Ne viendra dans ses mains poser sa tête blonde !