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les épis

Un vieillard était là : front chauve, barbe blanche
Tombant sur sa poitrine en brillante avalanche,
Comme ferait la neige, et, plein d’aménité
Son œil calme semblait sonder l’éternité.
Il s’approcha de moi.
Il s’approcha de moi. — Cet homme qui blasphème,
C’est le fils d’un maudit, c’est un maudit lui-même,
Un maudit en vertu des lois d’hérédité,
Me dit-il.
Me dit-il. J’écoutais avec avidité.
Il comprit mon désir d’en savoir davantage.

— La malédiction, c’est un triste héritage,
Reprit-il en branlant la tête ; mais celui
Sur qui Dieu fait pleuvoir sa rosée aujourd’hui,
S’élèvera demain comme s’élève un arbre ;
Sa gloire durera plus longtemps que le marbre,
Car dans ses fils bénis il revivra cent fois.

* * *

— C’était, ajouta-t-il, en l’an mil huit cent trois.
Le printemps renouait les grappes du feuillage ;
Partout courait la sève, et, comme le sillage