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la débâcle


Quelle est cette mignonne à l’air humble, candide,
Qui laisse sa compagne et va, d’un pas timide,
S’asseoir sur le vieux tronc d’un orme renversé ?
De quel touchant espoir son cœur est-il bercé ?
Quelle peine nouvelle, ou quelle inquiétude
Lui font, quand tout est gai, chercher la solitude ?
La joie ou la douleur n’aiment guère le bruit.
Son regard, attaché sur la glace qui fuit,
De temps en temps se lève et se porte à la rive,
Plein d’un trouble charmant et d’une ardeur craintive.

Quel est l’objet aimé dont le charme puissant
Peut enchaîner ainsi ce regard ravissant ?
Est-ce donc toi, Damas, ô rustique poète ?
Et, celle qui t’attend, est-ce ton Henriette ?
Oh ! tu presses le pas ; et, le front radieux,
Tu diriges bientôt ta course vers les lieux
Où la douce fillette a choisi son refuge.
En te voyant venir, laissant tout subterfuge,
Elle a baissé son front où montait la rougeur,
Baissé ses longs cils d’or et son grand œil songeur.

Pendant que jusqu’au loin, à la merci des ondes,
S’agitent sourdement les glaces vagabondes ;