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MIL HUIT CENT TRENTE SEPT

Nos cœurs étaient bien droits et jamais l’artifice
N’avait eu place en nos esprits.
Fidèles, en ces temps, aux conseils de nos pères
Qui savaient bien vivre de peu,
Nous promenions le soc dans le sein de nos terres
En élevant nos cœurs vers Dieu.

Et, quand venait le temps de la moisson féconde,
Le temps de couper le blé mûr ;
Quand les épis bruyants se berçaient comme l’onde
Sous les reflets d’un ciel d’azur,
Chacun courait au champ, dans l’heureuse famille,
Et le refrain de nos chansons
Semblait, comme l’épi, tomber sous la faucille
Des fillettes et des garçons.

Et l’on dansait alors autour des blondes gerbes,
Sous l’œil de la lune, au vallon ;
Et bien des pieds gentils foulaient les molles herbes
Aux gais accords du violon.
Et les fronts, couronnés ainsi qu’au temps antique
De bluets et de boutons d’or,
Sous le fardeau pesant d’aucun joug despotique
Ne s’étaient inclinés encor !

Ô jours heureux ! jours d’amour et de gloire
Où mon pays déroulait, sous les cieux,
Ses étendards que suivait la victoire,
Jours de grandeur, pour vous pleurer mes yeux