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ÉVANGÉLINE


Vieille forêt, salut ! Mais tous ces cœurs candides
Qu’on voyait tressaillir comme les daims timides
Que le cor du chasseur a réveillés soudain,
Que sont-ils devenus ? Je les appelle en vain !…
Et le joli village avec ses toits de chaume,
Et la petite église avec son léger dôme,
Et l’humble Acadien qui regardait ses jours
Couler comme un ruisseau dont le paisible cours,
En perçant les forêts qui lui prêtent l’ombrage,
Réfléchit du ciel par la radieuse image,
Que sont-ils devenus ? Quel calme dans les champs !
Plus de gais laboureurs ! La haine des méchants,
Jadis, les a chassés comme, au bord d’une grève,
Après un jour brûlant, l’ouragan qui s’élève
Chasse et disperse au loin, sur les flots de la mer,
Les sables du printemps, les flocons de l’hiver !
Grand Pré n’est plus. Ici nul n’en a souvenance,
Mais il vit dans l’histoire et la vieille romance.

Ô vous tous qui croyez à cette affection
Qui s’enflamme et grandit avec l’affliction ;
Ô vous tous qui croyez au bon cœur de la femme,
À la force, au courage, à la foi de son âme,
Écoutez un récit que les bois d’alentour
Et l’océan plaintif redisent tour à tour ;
Écoutez une histoire aussi belle qu’ancienne,
Ton poème d’amour, Ô terre Acadienne !