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ÉVANGÉLINE

Sur le duvet des prés devenus son domaine.
Au couchant, au midi, jusqu’au loin dans la plaine
S’étendaient des vergers et des bouquets d’ormeaux.
Ici le lin berçait ses frêles chalumeaux,
Là le blé jaunissant, ses tiges plus robustes ;
Vers le nord surgissaient mille sortes d’arbustes,
Des bois mystérieux, des taillis, des halliers ;
Et puis, sur les sommets des monts irréguliers,
Des brumes, des brouillards, aux formes inconstantes,
[…]
Sans oser cependant y descendre jamais.

Les maisons du village avaient un air de fête
Avec leur carré blanc et leur étrange faîte
Taillé dans un bois dur, le chêne ou le noyer,
Ainsi qu’en Normandie on taillait son foyer,
Quand la France élevait les Henri sur son trône.
Arrangé par faisceaux, un chaume frais et jaune
Des bâtiments divers recouvrait tous les toits ;
Des lucarnes laissaient, par leurs châssis étroits,
Pénétrer le soleil jusqu’au fond des mansardes.
Quand tournaient au vent les girouettes criardes
Et s’éclairent aux feux d’un beau soleil couchant ;
Dans les longs soirs d’été, lorsque l’herbe des champs
Exhalait son arôme et tremblait à la brise,
Sur le seuil de la porte avec leur jupe grise,
Avec leur capeline et leur mantelet noir,
Les femmes du hameau venaient gaiement s’asseoir,
Et filaient leur quenouille ; et les brunes fillettes
Unissaient leurs chansons au bruit clair des navettes