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PICOUNOC LE MAUDIT.

voulait le ménager, entretenir ses espérances jusqu’au jour de son mariage avec Noémie. Il avait pour cela quelques petites raisons. Il avait parlé devant son ami ; et les amis, vous savez comme c’est dangereux ! Le bossu venait de doubler la quarantaine, et voguait à pleines voiles de l’autre côté, vers cette mer sans fin ou nous allons tous fatalement nous perdre. Une bosse à cheval sur quarante ans, ce n’est ni gai, ni consolant pour une jeune fille. Il est vrai que monsieur le marchand était riche et pouvait donner à sa femme des robes de soie ! Mais, Dieu merci ! bien peu de nos jeunes filles échangeraient l’humble robe d’indienne contre le gros-de-Naples, s’il fallait en même temps échanger leur jeune et joli cavalier contre une vieille parodie de la gente masculine.

Le bossu songeait au bonheur qui l’attendait dans les bras de Marguerite, et, tout en songeant, il mangeait prosaïquement sa soupe au bœuf, ou peut-être que c’est en mangeant qu’il songeait ainsi. Il fut tiré de sa rêverie par l’arrivée de deux étrangers ; l’un, grand, sec et maigre, l’autre, gros et trapu. Deux barbes