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PICOUNOC LE MAUDIT.

Victor monta à Lotbinière le samedi qui suivit la vente.

Noémie avait espéré jusqu’à la dernière heure que le bossu se laisserait attendrir et lui ferait grâce de quelques mois encore : elle avait espéré aussi que Victor trouverait de l’argent pour payer avant la vente. Quand elle apprit qu’elle n’avait plus de demeure et qu’il lui faudrait bientôt sortir de cette maison où elle avait si longtemps vécu ; où elle avait d’abord éprouvé des joies si vives et si pures et, ensuite, des douleurs si grandes, elle se prit à pleurer. Elle entra dans sa chambre à coucher et, tombant à genoux devant le crucifix suspendu à la muraille : Jésus ! Jésus ! s’écria-t-elle, en sanglotant, vous voulez que je boive, à votre exemple, le calice jusqu’à la lie, que votre sainte volonté soit faite ! mais soutenez-moi, car mon courage m’abandonne, et je me sens défaillir !…

Puis elle demeura longtemps silencieuse, et, de temps en temps, on l’entendait prononcer, au milieu de profonds soupirs, les noms sacrés de Jésus et de Marie, et, dans la chambre voisine, Agnès, sa nièce, pleurait aussi en tournant son rouet.