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PICOUNOC LE MAUDIT.

Et il laissa ses compagnons dépouiller de leurs robes les épis entassés dans le coin de la salle.

Il pensait bien que Noémie était seule encore, et que c’était à dessein que Djos s’attardait. Il connaissait les moyens ingénieux qu’ont les jaloux de captiver leurs femmes. Il courut d’une haleine à la maison de Joseph Letellier, et, suivant sa grossière habitude, regarda à la fenêtre avant d’entrer. Noémie filait en chantant. Mais le bruit du fuseau était monotone et la chanson, mélancolique… De temps en temps elle détournait un peu la tête et regardait avec amour le berceau où dormait son petit enfant. La chandelle, versant une pâle lumière sur les murs blanchis à la chaux, se consumait lentement. À cette lueur terne la figure de la jeune femme semblait presque livide, et ses doigts effilés qui tenaient la laine et la laissaient peu à peu s’allonger, se tordre et se rouler sur le fuseau, paraissaient amaigris.

La pauvre créature souffrait, car ce changement singulier, survenu dans l’humeur de son mari, était pour elle une source d’inquiétudes et de tourments. Elle avait beau chercher, elle ne trouvait pas la cause de ce