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PICOUNOC LE MAUDIT.

— Écoute un peu, Paul, je n’ai pas de secret pour toi. J’ai aimé, j’aime et j’aimerai toujours. Celle que j’aime, tu la connais, c’est Noémie… Elle est la femme d’un autre… Eh bien ! puisque de ce côté le bonheur m’est ravi, je n’estime plus les femmes que d’après leur dot, et je voudrais devenir veuf tous les ans pour me remarier toujours avec des filles avantageuses.

— Si tu parlais sérieusement je te mépriserais, et j’irais de suite avertir ta fiancée.

— Mais je suis sérieux… Je suis un maudit, tu sais, et le fils d’un maudit… donc il faut que je fasse mon œuvre.

En parlant ainsi Picounoc s’animait, sa voix devenait aigre et ses yeux s’injectaient de sang. L’ex-élève s’éloigna lentement, la tête basse, et prit le chemin de la concession de St. Eustache. Aux premières maisons du village il rencontra Aglaé Larose vêtue de sa robe des dimanches. Elle s’en allait à confesse.

— Bonjour, la mariée ! dit-il avec un sourire triste.

Une rougeur subite monta au front de la jeune fille, et sa démarche parut plus gauche.