Page:LeMay - Reflets d'antan, 1916.djvu/102

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« Voici qu’approche enfin la saison des frimas.
L’hiver, si rigoureux dans nos lointains climats,
Va, pendant bien longtemps, sous la neige entassée,
Ensevelir le fleuve et la terre glacée ;
Les serviteurs de Dieu voudront partir en vain ;
Ils ne retrouveront, pour s’enfuir, nul chemin.
Leurs barques, sans agrès, resteront sur la grève.
Alors, ô mes amis, point de paix ! point de trêve !
Soyons actifs, rusés ; soyons audacieux.
Glorifions l’enfer ! Humilions les cieux !

« Éveillons du sauvage et la haine et l’envie.
Craignant d’être captif sur sa terre asservie,
Qu’il attache au bûcher les pieux matelots,
Ou leur perce le cœur de ses longs javelots !
Qu’avec les froids hivers d’étranges maladies
Achèvent d’épuiser leurs âmes engourdies,
Et qu’ils succombent tous au fond des vastes bois,
Regrettant leur pays, maudissant leurs exploits. »

Ainsi parla Satan. Les démons applaudirent.
Or, parmi les damnés, plusieurs les entendirent,
Ces insolents discours de leur orgueilleux roi.
Ils n’applaudirent pas, mais frémirent d’effroi.