Page:LeMay - Reflets d'antan, 1916.djvu/116

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Le jour leur paraît long, le froid, insupportable.
Il leur semble parfois que l’hiver implacable
Dans une mer de glace enchaîne leurs vaisseaux.
Ils regrettent le temps où perdus sur les eaux,
Vaillamment ils bravaient et le calme et l’orage,
Et déjouaient la mort à force de courage.
À regret maintenant ils demeurent oisifs.
L’hiver les trouble plus que l’aspect des récifs.
Ils appellent l’époque où les vents, les étoiles,
Jusques aux ports français pourraient guider leurs voiles ;
L’époque où, revenus de ces lointains pays,
À la France ils feront de merveilleux récits.

Au pénible chagrin qui déjà les abreuve,
Vient se joindre pourtant une terrible épreuve.
Comme, du haut des airs, on voit un sombre oiseau
S’élancer tout à coup au milieu d’un troupeau,
Et broyer à plaisir, dans sa griffe sanglante,
La timide brebis dont la fuite est trop lente,
Ainsi sur les marins un grand fléau s’abat,
Et contre eux, semble-t-il, le ciel même combat.

Déjà des matelots vers leur fiévreuse couche,
Sentent venir la mort. Et c’est la mort farouche