Page:LeMay - Reflets d'antan, 1916.djvu/145

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Mais quel bruit ! Le sol tremble. Ô l’infernal vacarme !
Cris de rage et de haine ! inexprimable alarme !
Orgie ou chants de mort des guerriers sous les bois !
Funèbres hurlements de la meute aux abois ;
Et râle plein d’horreur du tigre qu’on égorge !
Un vent de feu rugit, tel un soufflet de forge.
Lourd et noir, un nuage apporté par ce vent,
S’étend dans les hauteurs comme un linceul mouvant,
Et la voix d’un démon crie à Dieu ce blasphème :
― « Maudit soit l’étranger ! et maudit le ciel même ! »
Et l’enfer applaudit.
                                Partout c’est la stupeur.
L’homme tombe à genoux, le fauve est pris de peur.
Mais voici qu’un éclair a dissipé les nues.
D’un gazon plantureux et de fleurs inconnues,
La forêt fait jaillir d’enivrantes odeurs.
Comme pour adorer en de saintes ardeurs,
Sous un souffle puissant les grands arbres se penchent ;
En des rythmes plus doux les nids joyeux s’épanchent ;
L’onde dit un cantique aux bancs de sable d’or ;
Les cœurs s’en vont au Christ dans un brûlant essor,
Et l’on entend chanter partout, comme en un rêve :

« Béni soit le rivage où l’humble croix s’élève !
Béni soit l’océan ! Béni soit le ciel bleu !
Et béni soit celui qui vient au nom de Dieu ! »