Page:LeMay - Reflets d'antan, 1916.djvu/16

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Naguère avait voulu, sur ces mêmes rivages,
Éveiller les soupçons des peuplades sauvages.
Mais vaine fut sa ruse. Et sa sombre fureur
Dans l’âme du marin ne mit point la terreur.
Cartier, en s’éloignant de la cruelle plage
Emmenait du vieux chef les deux fils en otage.

Le père infortuné suivit longtemps des yeux
Le vaisseau qui portait, hélas ! sous d’autres cieux,
Ses deux fils. Il revient, au lever de l’aurore,
Promener ses chagrins sur la rive sonore.
La haine et la douleur se peignent sur ses traits ;
Pour lui la solitude a seule des attraits.
Il demande ses fils au soleil qui se lève,
Il les demande aux flots qui roulent vers la grève,
Il ne voit pas s’ouvrir, comme une aile d’oiseau,
Sur les flots infinis, la voile du vaisseau
Qui lui ramènera les fils de sa tendresse !

« Vaillant Domagaya, dit-il, dans sa détresse,
Noble Taiguragny, me serez-vous rendus ?
Ah ! si mon bras, plus fort, vous avait défendus
Contre la cruauté de ces Visages-Pâles,
Mes chants ne seraient pas que de pénibles râles,