Page:LeMay - Reflets d'antan, 1916.djvu/65

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Les vieillards, convaincus de ma témérité,
Fâchés d’avoir aussi manqué de fermeté,
Crurent laver leur honte et servir la justice,
En me faisant du feu subir l’affreux supplice.

« J’étais là, dépouillée et liée au poteau,
À l’heure où le soleil derrière le coteau,
Semble se reposer dans un lit de feuillage.
Autour de moi pleuraient les femmes du village.
Le jongleur était doux ; son sourire moqueur,
Comme un trait acéré me déchirait le cœur.
Pour narguer mes bourreaux, à cette heure terrible,
Je n’aurais pas chanté d’un ton ferme et paisible,
Mais j’étais innocente et je mourais sans peur.
Un instant s’éloigna le barbare jongleur.
Il revint brandissant une torche enflammée.
Il me sourit encore. Aussitôt la fumée
Fit monter jusqu’au ciel ses épais tourbillons,
Et du feu je sentis les cuisants aiguillons.

« Mais que vois-je soudain au milieu de la flamme ?
Un esprit inconnu, sous l’aspect d’une femme !
La même que je vis un jour devant la croix !
Elle défait mes nœuds de ses flexibles doigts,