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12 UNE GERBE

Plein d’un trouble charmant et d’une ardeur craintive.
Quel est l’objet aimé dont le charme puissant
Peut enchaîner ainsi ce regard ravissant ?
Est-ce donc toi, Damas, est-ce donc toi, poète ?
Et celle qui t’attend est-ce ton Henriette ?
Ah ! oui, car je te vois, le front tout radieux,
Diriger, moins rêveur, ta course vers les lieux
Où la fille des champs est assise plaintive !
En te voyant venir ton amante attentive
A baissé son beau front où montait la rougeur,
A baissé ses cils d’or et son grand œil songeur !

Pendant que jusqu’au loin les glaces ébranlées
S’agitent sourdement sur les ondes gonflées;
Pendant que sur les bords les timides échos
Disent les chants du ciel et la clameur des flots,
Comme deux jeunes fleurs épanchent leur dictame,
En secret les amants vont épancher leur âme.
Ils disent, en riant, leurs soins un peu jaloux,
Echangent, de nouveau, les serments les plus doux,
Et se sentent plus forts pour l’heure de l’épreuve.
Les parfums de la brise et l’aspect du grand fleuve,
La pureté des airs, les murmures, les chants,
Les rayons du soleil qui dansent sur les champs,
Les bruits qui tout à coup succèdent au silence,
Cette étrange vigueur et cette effervescence