ces jours alcyoniens, enivrants de mélancolie, que le paysan nomme l’Été de la Saint-Martin. On a bien raison de dire qu’à cette saison, la chaumière du plus pauvre bûcheron canadien est encadrée de splendeurs telles que l’Europe chercherait en vain dans ses parcs les plus fastueux. Avez-vous noté l’incomparable beauté des pins à cette saison ? les avez-vous vus, au moment où les autres arbres forestiers tout tristes, paraissent s’étioler, revêtir leur livrée la plus vive, la plus séduisante ? Qui peindra l’effet ravissant de l’aurore, versant à pleines mains, une pluie d’or sur leurs vertes chevelures émaillées de perles, ruisselantes de rosée, tandis que le côté de l’arbre, opposé au soleil, semble incrusté de bronze ? Sous certains rayons de lumière, le vert foncé, invisible, prédomine ; sous d’autres, cette nuance se confondra avec l’acanthe. Dans cette partie de la forêt, quelques rares épinettes semées avec un beau désordre parmi des groupes d’érables, de hêtres ou de bouleaux, donneront matière à de merveilleux contrastes ; dans cette autre région, une plaine brillante de jeunesse et de verdure, étalera à sa cime une touffe de feuilles rousses, irisées de violet : magiques guirlandes, bouquet féérique ! C’est la forêt enchantée d’Armide, moins les « cyprès saignants et les myrtes mystérieux » ? Ici une feuille aura un côté, carmin ; l’autre, marron. Là, un svelte érable ceindra son sommet verdoyant d’une zone écarlate ou d’un nuage d’or. Voyez là bas, ce solitaire, vieux géant de la montagne, aux ramées pendantes, au vert feuillage, abandonnant son tronc noueux aux caresses des vignes sauvages dont les festons empourprés l’enlacent, l’étreignent en tout sens ; bref, les monts semblent avoir dérobé à l’Empyrée, son inimitable coloris ; à Iris, sa ceinture ; partout, des teintes à désespérer le pinceau de l’homme. Vous pourriez, peut-être, si vous étiez Kreikoff[1]
- ↑ Artiste Canadien, mort aux États-Unis, dont les tableaux sont, en ce moment, fort recherchés.