de moutons, qu’il égorgera de gaité de cœur jusqu’au dernier, en présence des propriétaires, près de la métairie ; ce terrible maraudeur, blanchi par le temps, n’est autre qu’un ours ancien, que l’âge ou un jeûne prolongé aura rendu vorace et sanguinaire ; si on le rencontre en hiver en dehors de sa tanière, c’est lorsque la température est plus douce qu’à l’ordinaire.
Les Indiens prétendent que les ours, l’automne, avant de se mettre en hivernement, ont pour habitude de dégarnir les sapins de leur écorce à cinq ou six pieds de terre, pour se procurer la gomme, qui, selon eux, à l’effet de leur conserver leur graisse pendant leur période de torpeur ; que le printemps venu, ils creusent le sol pour en extraire des racines afin de restaurer leur activité, aux fonctions du corps, suspendues par leur sommeil prolongé.
M. Chs. C. Ward, excellent observateur, est d’avis que l’ours à son jeune âge est non seulement espiègle, mais qu’il est enclin à la plaisanterie (humor).
Il raconte qu’un jeune étranger, son hôte, avait pour habitude de jouer de la flûte, passant et repassant devant un ours apprivoisé que M. Ward possédait. Martin s’égayait, à ses heures, à relancer un bâton long d’un mètre ; bientôt, il se mit à imiter, avec ce joujou, le manège du joueur de flûte. L’artiste piqué, crût tirer vengeance de l’espiègle animal, en l’ahurissant des sons les plus aigus qu’il pouvait produire de son instrument. L’ours, renifla l’air, gémit, maugréa ; puis, le joueur de flûte s’étant approché de lui, de sa formidable patte, il lui assena sur la tête, une taloche qui enfonça complètement sur les yeux du musicien, son feutre altier. Pour prévenir un second coup, l’artiste s’esquiva en se laissant choir à terre, hors de la portée de Maître Martin, « jurant, mais un peu tard, qu’on ne l’y reprendrait plus. »