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Page:LeMoine - Ornithologie du Canada, 1ère partie, 1861.djvu/224

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a dit M. de Lamartine en parlant du rossignol ; Dupont de Nemours a noté sa musique et traduit ses chansons. Mme de Tracy était bien près de faire comme Rousseau, de pleurer parce que son rossignol ne chantait plus.

« La duchesse de Coigny, dit-elle dans une de ses lettres, vint me voir un matin. Elle me trouva courbée en deux comme si j’avais un “lumbago.” Qu’avez-vous donc ! me dit-elle. — J’ai un oiseau sur l’estomac. — Vous en avez mangé ? — Non, Dieu merci, je suis la garde-malade de mon rossignol et j’ai essayé de le réchauffer… » Aimer les oiseaux, pour Mme de Tracy, c’est le commencement de la sagesse. Leur couper les pattes, c’est se montrer capable d’étrangler ses enfants ou d’empoisonner son mari, témoin Mme Lafarge qui mutilait les moineaux de son grand-père. Mme de Tracy se plaît à nommer tous ceux de ses contemporains illustres qui ont montré de la sensibilité en matière d’ornithologie. Lisez ce qu’elle en dit :

M. de Lamartine est un grand amateur de rossignols ; mais il n’en conserve aucun, « parce qu’il les change continuellement de place. » M. Thiers est plus sage. Il sait gouverner une volière, et Mme de Tracy remarque qu’il a toujours accueilli « avec beaucoup de déférence » « les conseils qu’elle lui a donnés à ce sujet. » Quant à M. Michelet, elle n’en dit rien, peut-être parce qu’elle a su que cet apologiste outré de « l’oiseau » était, au fond, un ornithophage déterminé. L’abbé Dupanloup (aujourd’hui évêque d’Orléans) est bien mieux son fait. Un jour qu’elle causait avec lui des Pères de l’Église latine, tout à coup l’abbé s’écrie : « Ah ! le joli petit oiseau ! » C’était un des rossignols de la maison qui se promenait sur le tapis.

« Il a dit cela, ajoute Mme de Tracy, avec un accent qui m’a été au cœur. J’avais de l’admiration pour M. Dupanloup ; maintenant, c’est une vive affection que j’ai pour lui. » — Mais ne nous parlez