Page:LeMoine - Ornithologie du Canada, 1ère partie, 1861.djvu/279

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C’est que sa voix vibre dans ce qu’il aime
Et que son chant y tombe dans un cœur !

De ses accents sa femelle ravie
Veille attentive en oubliant le jour ;
Le printemps fuit, l’œuf éclos et sa vie
N’est que printemps, que musique et qu’amour !

Dieu de bonheur ! que cette vie est belle !
Ah ! dans mon sein je me sens aujourd’hui
Assez d’amour pour reposer comme elle
Et de transports pour chanter comme lui.

« N’est-ce pas que jamais la passion n’a parlé par une bouche humaine un langage plus sublime et plus incendiaire, et que l’infortunée Didon est bien pâle auprès de Laurence, et même Roméo qui veut trop tôt s’en aller ! N’est-ce pas que le pauvre historien des bêtes qui a commis l’imprudence d’illustrer son récit de tels vers, est tenu de demander pardon à ses lecteurs d’oser encore leur servir sa vile prose après !

« Aucune gloire, aucune chance heureuse n’a donc manqué au Rossignol. Comme il a des panégyristes qui s’appellent Virgile, Ovide, Lamartine, il a des historiens nommés Pline, Buffon, etc., etc. Jean-Jacques déclare en ses Confessions, qu’il n’a jamais entendu le chant du Rossignol sans être vivement ému. Le naturaliste latin savait les mœurs de l’oiseau, il y a dix-sept siècles, comme nous les savons aujourd’hui ; mais la mythologie grecque a erré sur son compte.

« La tradition mythologique s’est trompée, pour avoir fait de Philomèle le type d’une princesse athénienne célèbre par sa beauté, à qui son beau-frère aurait infligé un outrage et puis coupé la langue pour l’empêcher de divulguer son crime. Ce signalement de princesse de sang royal, belle et muette, ne reproduit aucunement les traits du Rossignol, qui n’est ni beau ni muet, et qui d’ailleurs serait parfaitement incapable d’égorger un neveu pour le faire manger à son père, comme le fit, dit