Page:LeMoine - Ornithologie du Canada, 1ère partie, 1861.djvu/336

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eux ; il est presqu’impossible de les approcher en rase campagne à moins d’user de stratagèmes. Audubon raconte qu’il découvrit un jour dans un champ une bande de Grues qui utilisaient leurs talents à déraciner les plantes aquatiques pour s’en nourrir : chaque Grue s’était creusé un trou et plongeait la tête dedans pour en tirer la racine convoitée. Caché derrière un grand cyprès, l’illustre naturaliste parvint à les approcher de près : « la tête recouverte par les petits monticules de terre qu’ils avaient accumulés, ces oiseaux me faisaient, dit-il, la figure d’une bande de porcs ou d’ours se vautrant dans la boue. Je sifflai, et tous de lever bien haut la tête : la tentation était trop forte, je lâchai la détente et sept Grues furent blessées ou tuées. » Les blessées sont très dangereuses au chasseur ou à son chien : leur long bec est une arme vraiment meurtrière ; des personnes ont eu la main percée d’outre en outre, et des chiens de chasse ont été blessés à mort en un instant. Selon les circonstances, ces oiseaux passent la nuit à terre ou se perchent sur des grands arbres, six à sept s’établissent ensemble sur la même branche. Ils passent d’abord une demi-heure à lisser leur plumage, se tenant droit sur leurs pieds ; puis ils s’accroupissent sur la branche comme des Dindons sauvages. Ceux qui passent la nuit dans les marais, se tiennent sur une patte, replient l’autre et s’abritent la tête sous les larges plumes de leurs épaules ; la pluie ou le beau temps, détermine l’heure où ils quitteront ou regagneront le perchoir de la veille ; avant de prendre leur essor, ils courent l’espace de quelques minutes, ensuite ils rasent le sol pour une quarantaine de verges, puis s’élèvent en tournoyant et en croisant leur vol. Si l’on tire sur la bande, elle fait entendre un cri retentissant ; leur chant d’amour ou leur cri de guerre au printemps est également sonore et peut, dit Audubon, s’entendre de près de trois milles.

Ce naturaliste avait reçu en présent une Grue, qui devint bientôt, en captivité, d’une rare docilité ; il trace une peinture charmante de sa mansuétude