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Page:LeMoine - Ornithologie du Canada, 1ère partie, 1861.djvu/338

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voyageurs, s’écrie-t-il d’une voix expirante, je vous prends à témoin, dénoncez les assassins d’Ibycus.” Les brigands riant de cette invocation, dépouillent leur victime et se retirent.

« Le lendemain, les jeux commencèrent à Olympie, et Ibycus ne paraissait pas. L’assemblée l’appelait à grands cris, et déjà plusieurs de ses rivaux s’étaient fait entendre, lorsqu’un homme, couvert de poussière, s’avance à pas précipités au milieu de l’arène, tenant en mains une lyre brisée et teinte de sang ; il la montre au peuple, et prononce le nom d’Ibycus ; c’était la lyre du poëte, que cet homme avait trouvée le matin même près de son cadavre. À cette vue un long et douloureux gémissement s’élève dans l’immense amphithéâtre, et les assistants déplorent la fin tragique et prématurée du jeune favori des muses, mais la multitude si prompte à sentir, n’est pas moins prompte à oublier ; les jeux et les combats se succèdent, et le souvenir d’Ibycus est déjà enveloppé dans les nuages du passé.

« La nuit s’approchait, et allait interrompre les plaisirs de l’assemblée, lorsque tout à coup une troupe de Grues passa au-dessus de l’arène ; leur cri de rappel, descendant du haut des nues, frappe les oreilles des spectateurs, et tous lèvent la tête pour voir passer la phalange aérienne : deux d’entre eux, placés sur les gradins élevés de l’amphithéâtre, se disent l’un à l’autre à demi-voix et d’un ton railleur : “Vois-tu les Grues d’Ibycus ?” Ce propos singulier est entendu par leurs voisins, et passe bientôt de bouche en bouche : le sens obscur de ces paroles, l’air de moquerie qui les accompagne, l’air sinistre de ceux qui les ont prononcées, tout contribue à éveiller le soupçon dans l’esprit des assistants. Bientôt ces hommes sont arrêtés, interrogés séparément, réduits à confesser leur crime, qu’ils expient par un prompt supplice ; et la mission vengeresse confiée par le poëte mourant aux oiseaux voyageurs est fidèlement accomplie ! »

Contrastons les habitudes de nos Grues, oiseaux modestes et rangés, avec celles de l’espèce fringante d’Afrique, que Toussenel décrit en ces termes :