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AUTOUR DE LA MAISON

serrés ou isolés et que deux hommes dirigeaient parfois, embarqués sur un radeau et munis de perches à pointes de fer. C’était l’époque des sifflets, et l’été s’en venait. Un jeudi de ces beaux jours revit dans ma mémoire.

Nous avions joué à la citrouille. Oh ! cela demandait tout un apprentissage, vous savez, pour rester solides sous la main dure de Toto qui nous poussait en criant : « Es-tu mûre ? » Nous devions nous tenir ferme, bien accroupies. Si nous avions le malheur de bouger, nous étions mûres et il fallait subir d’être cueillies et portées jusqu’à la galerie par les jardiniers improvisés. Ils nous soulevaient, tenant chacun un de nos bras, et nous devions rester en position de citrouilles ; si nos jambes se dépliaient, nous étions déclarées gâtées et abandonnées dédaigneusement avec renfort de taloches. Je ne veux pourtant pas vous faire croire qu’une bonne citrouille mûre, qui se tenait bien, était plus heureuse et moins maltraitée ! Je vous assure que les jardiniers — qui n’étaient pas des Louis Cyr ! — ne se gênaient pas plus pour les échapper de toute leur hauteur, les secouer, les rouler.

Ce jeudi, je me tenais en citrouille vraiment distinguée, et Toto et Pierre me portaient assez allègrement, quand voyant arriver les pensionnaires du couvent, en promenade, ils me