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En traîneau


Ils ont failli me jeter à terre dix fois, aujourd’hui, les petits gars avec leurs traîneaux. Mais ce n’est pas moi qui les chicanerai !

Si vous pensez que je ne me suis pas fait traîner dans mon temps, vous vous trompez. Quand la neige était ainsi que ce matin, neuve et dure, glissante à souhait, j’en ai donné, allez, bien des jambettes involontaires à des grandes personnes qui grognaient ! — ce qui se comprend, après tout. J’en ai fait des tours, bien assise, les jambes étendues, les pieds sur la barre, les mitaines rentrées dans les poignées du traîneau ; car j’avais des mitaines rouges dès que la neige apparaissait, et une tuque pareillement, et une ceinture à gros pompons, qui se détachait et passait souvent sous les lices.

Dans ma rue, lorsque j’avais douze ans, vivait un jeune nègre de mon âge, mais trois fois plus grand que moi, une perche. C’était un noir très comme il faut ; il apprenait le français et, voulant bien prononcer et bien traduire, il venait ordinairement s’asseoir, après sa classe, dans les marches de l’escalier chez nous. Là, avec deux ou trois gamines de mon espèce, je lui montrais parfaitement sa leçon du lendemain. Tout ça,