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La mauvaise tricoteuse


Un bon matin, elle s’éveilla prise d’un impétueux désir d’apprendre à tricoter. Il y avait des tricoteuses chez elle. Elle n’attendit point qu’elles aient déjeuné pour réclamer crochet et peloton de fil ; et elle prit à jeun sa première leçon.

On apprend beaucoup mieux à jeun : ce dicton sert même joliment aux paresseux qui le soir veulent remettre leur étude au lendemain. Toujours est-il qu’en un clin d’œil, notre mauvaise tricoteuse apprit à faire une dentelle large comme le pouce et ma foi fort jolie. Elle la faisait à merveille. Ses professeurs le déclarèrent. Alors, l’apprentie dentellière assura en se rengorgeant : « Ce doit être mon talent ». Cette assertion fut une nouvelle poussée pour son enthousiasme et son ardeur qui vraiment déjà avaient trop d’aire-d’aller : et elle travailla… épouvantablement.

Au petit déjeuner, entre une bouchée de rôtie et une goutte de café, elle faisait cinq ou six mailles. Puis, ayant pourvu bien moins grassement que d’habitude à sa subsistance, elle s’en