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COULEUR DU TEMPS


Sur les berges de la rivière calme, inlassablement des saules se penchent ; on les dirait attirés par l’eau pure, ou charmés de voir tant d’images se refléter dans la nappe claire. Çà et là, un grand moulin à vent s’élève ; une grange plus longue, plus vaste, évoque plus d’aisance ; à côté de quelques maisons, des puits à margelle dorment ; près des remises, dans les cours, des tombereaux, des charrettes à poches au repos s’appuient sur leurs travails ; des poules se promènent et piaillent ; un chien jappe, ou, assis et dressé comme un chien de métal sur un socle, immobile, regarde droit devant lui.

À détailler tout ce qui se déroule au bord du double ruban de la route et de la rivière, on ne semble peut-être rien vous montrer. À y passer, cependant, vous vous sentez empoigné, pénétré de respect et d’admiration pour toutes ces maisons qui représentent un passé qui se prolonge et des traditions qui ne mourront pas. Vous vous sentez chez vous. Sur les boîtes arrondies de la poste rurale, ne reconnaissez-vous pas tous ces noms comme étant des vôtres ? Payette, Archambault, Ritchot, Lebeau, puis encore Payette, et Lamarche, et de nouveau Archambault. Pas un nom qui ne vous soit connu ; pas une consonance étrangère, pas une, quelle joie !