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Page:LeNormand - Couleur du temps, 1919.djvu/122

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COULEUR DU TEMPS

moutons, tu les défends, tu ne crains aucun risque, aucun péril ; seul ton devoir importe.

Mais il pleut, bergère ! Toutes les choses sont grises. Fais-toi du soleil. Suppose des bonheurs que tu n’auras peut-être jamais. Pense à des choses tendres, pense à de beaux pays. Pense à des grèves d’or et à des oiseaux blancs. Pense à des sentiers feuillus dans des montagnes vertes. Pense à des sommets atteints et à des horizons contemplés. Pense à Dieu comme à un père qui t’aime, te garde, te protège, et te conduit à travers ces merveilles qu’il t’a donné d’imaginer ou de rappeler dans ta mémoire. Et puis, mêle tes songes et tes visions aux vivants, à ceux pour qui tu vis, à ceux pour qui tu voudrais vivre. Rêve d’avenir. Rêve d’enfants blonds et roses. Rêve de grands enfants ensuite, et peut-être de grands hommes. Rêve à quand tu seras grand’mère, bergère, cela viendra. Tout arrive. Et puis rêve qu’alors tu es encore heureuse, très heureuse, parce que ta vie remplie ne t’a pas déçue, parce que tu as enrichi ton pays par l’œuvre de ton cœur, parce que tu ne mourras pas tout à fait. Avant toi, bien longtemps avant toi, bergère, ta grand’mère n’était-elle pas à son tour jeune fille ?

Il pleut, bergère, il pleut ! Mais rien n’est triste, tu sais. Rien. Tu es faite pour l’éter-