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COULEUR DU TEMPS

fourrures, vous savez, un manchon et une capine en lapin blanc, avec des attaches de soie rouge.

« Et là, on dirait que je n’ai plus rien. On dirait que je suis devenue laide et vieille ! Mais non, je me vois dans ce miroir. Je suis toujours la même.

« Mais que ma maman est changée ! Elle ne m’aime absolument plus. Elle a toujours la tête penchée sur quelque livre, quand elle ne brode pas des choses qui ne sont pas pour moi. Dire que j’étais son seul souci, sa joie, son occupation. Elle me faisait des robes en m’embrassant ; elle me servait des petits dîners ; elle m’emmenait dehors dans un joli carrosse. Elle me donnait bien parfois la volée, mais c’était pour rire, et elle me comblait ensuite de baisers fous. C’était bon, ce temps-là !… »

Ma petite amie est prête à partir ; pendant qu’elle boutonne ses gants et cherche je ne sais quoi dans un tiroir, je murmure à sa poupée : « Ma pauvre petite, prends ton mal en patience ; on te cédera bientôt sûrement à une autre maman. Celle-là est finie pour toi, vois-tu. Quand les petites filles grandissent, elles ont beau être attachées à leurs poupées aux grands yeux bruns, elles les abandonnent malgré elles. Tout a une fin. »