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Page:LeNormand - Couleur du temps, 1919.djvu/47

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La Commère


Vous la rencontrez partout, et comme sa voix est éclatante, elle a toujours l’air de parler pour que vous l’entendiez. Vous la rencontrez au magasin, sur le perron ou dans le portique de l’église, au coin d’une rue, et surtout dans les tramways. Là, elle se livre toute à votre observation.

Sa figure est toujours expressive. La commère, avec vélocité, plisse les lèvres, bat des paupières, écarquille les yeux, branle la tête ; souvent aussi, d’une certaine façon elle remue sa mâchoire, ou, elle a un tic du nez : elle le dilate, comme les chevaux élargissent les narines pour hennir.

La commère n’est chiche ni de paroles, ni d’exclamations, ni d’insinuations. Après chaque nouvelle qu’elle annonce, elle dit toujours, souverainement étonnée : « Vous ne saviez pas ! comment, mais vous ne saviez pas ? » et elle ajoute que tout le monde pourtant le sait. Si c’est de l’inconduite d’un tel ou de la banqueroute d’un autre qu’elle vous fait part, elle déclarera : « On sait ben, si je vous l’ai dit, c’est parce que c’est pas un mal, quand c’est si connu »…