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Sur une pénitence


Il est là, devant moi, gros comme un petit œuf, ferme, appétissant, et je le mangerais en un clin d’œil, ce chocolat, si aujourd’hui était hier. Mais, hélas ! en cherchant sur mon front, je retrouverais la cendre qu’on y mit tout à l’heure ; et même sans la cendre, je sais bien que je suis en carême, et que les jours de pénitence sont venus.

Il est là. Il sent bon. Hier, je l’oubliai ; je ne sais trop par quel sortilège il se cacha sous un papier pendant que, consciencieusement, j’avalais ses frères. Ce matin, ouvrant mon secrétaire, je l’aperçus. Le diable, sans doute, s’en mêla, croyant que je me laisserais aller à retarder de quelques heures ma pénitence. Dieu me garde d’une si honteuse faiblesse. Il est là, mais je ne le mangerai pas. Oh ! je pourrais bien sans pécher lui passer ma langue sur le dos. Je n’en ferai rien. Je vais me contenter de humer son parfum. Ce n’est pas mal, et cela me rend plus méritoire cette pénitence, à laquelle la publicité fera perdre un peu de valeur. Car on ne doit pas se vanter de ses sacrifices. On doit les accomplir dans l’ombre, devant Dieu seul, silencieusement. Je ne l’ignore pas. J’en fais