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La mort d’une robe


Doucement, sournoisement, la soie s’effiloche et se morcelle et s’use. En apparence, elle est toujours fraîche et coquette et mes amies me disent encore : Qu’elle est jolie, ta robe !

Tristesse ! Ma robe est jolie, ma robe a l’air nouvelle, cette robe est coquette et me va mieux que toutes mes autres, et ma robe se meurt. En l’enlevant ce soir, j’apercevrai peut-être à son tissu fin, une blessure inguérissable, et jamais plus je ne pourrai la revêtir.

Ne jamais la remettre ! Tristesse !

Il y a des robes qui se fanent et qu’on laisse s’en aller avec indifférence. Mais il y en a qu’on aime. Un cœur féminin a de ces sentiments. Il y en a qu’on aime.

Celle-là qui se meurt, j’y suis attachée. Elle est fine, bonne, serviable à souhait, la chère petite. Elle s’offre gentiment en toutes circonstances, elle me sourit toujours, elle me met à l’aise dans les salons les plus gênants, l’enjôleuse ! Moi qui suis timide à plaisir, avec elle je me sens en verve, c’est ma robe bonne humeur.

Je l’étrennai la veille de l’avant-dernier Noël. Dès ce premier abord, elle sut me plaire. Elle ne m’embarrassait pas, ne me guindait pas