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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/113

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travers la brousse fleurie de verges d’or, d’immortelles, où apparaît soudain un porc épie effaré, lourd et gauche qui s’enfuit en se dandinant.

Tout de suite, dès que Lucette mettait le pied dans la montagne, la forêt l’ensorcelait. Si des ennuis, de vagues humeurs tristes l’avaient inquiétée, la forêt, comme l’eau puissante d’un torrent emportait tout, submergeait tout ; il ne subsistait plus en elle que la joie de respirer, de voir, de vivre. Elle marchait parmi les arbres comme parmi des amis silencieux, aspirait l’air parfumé ; et de ses yeux attentifs et admirateurs, elle notait les lignes et les beautés, les résineux variés, les arbustes aux mille fleurs, les ramures fantaisistes, les bouleaux minces et la pointe fine des épinettes qui montraient partout le ciel. Lucette brisait machinalement le bout d’une branche de sapin, en frottait la paume de ses mains, et cette odeur, toute sa vie sans doute, agirait sur elle comme l’appel de la forêt, ou son souvenir nostalgique.

Des gens qui marchaient auprès d’elle nul ne pouvait rompre le charme, la distraire, l’enlever au délice des bois. Ce royaume était le sien, entièrement, profondément. Les autres le traversaient sans le posséder.

Une pitié plus forte l’envahissait pour Vincent Le Tellier resté presque seul au Sanatorium ; une