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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/132

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LA PLUS BELLE

soigner, un mari à contenter, des finances à équilibrer, et tant de fardeaux sur les épaules. D’avance, une détresse panique serrait son cœur, lorsqu’elle s’énumérait toutes ces tâches.

Elle communiqua ces réflexions à Jean et dans un élan de générosité juvénile elle lui avoua son amour. Le bonheur maintenant, elle l’attendait de lui. Elle gagnerait sa vie. N’avait-elle pas son talent de pianiste ? Elle ne se marierait pas et leur amitié serait la plus belle chose du monde.

Mais elle s’attristait. En septembre, sous le ciel de Percé, dans les routes du village devenues désertes, son cœur se gonflait de regrets, pour les bonheurs qu’elle ne connaîtrait pas. Elle méditait à présent sur la vie avec un pessimisme qui ne lui ressemblait pas. Elle ne disait presque plus jamais : je suis contente, j’ai hâte. Elle n’était plus celle qui tentait de convaincre son amie Claire que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Elle avait trop longtemps rêvé d’un amour heureux, pour être satisfaite d’un amour plein de tristesse et de souffrance. Une douleur aiguë la bouleversait à l’idée qu’elle ne partagerait jamais avec Jean les joies du voyage, et ces longues promenades dans la forêt. La félicité qu’elle avait rêvée, comportait avant tout ce partage des heures enchantées qu’elle vivait depuis plusieurs semaines.