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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/192

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LA PLUS BELLE

s’en rendre compte, elle s’est appliquée à l’élégance.

— Comme on change. Moi qui, jadis, détestais tellement les essayages.

Change-t-on foncièrement ? se demande-t-elle. Je me suis modifiée pendant trois années, alors que je me laissais emporter par un grand sentiment humain. Ai-je assez souffert, après les délices du commencement ? Par bonheur, c’est bien fini. Toutes ces heures émouvantes, pourtant, que l’on a vécues et qui s’effacent et n’ont plus de saveur.

Que le nom d’Alain ne fasse plus battre son cœur, qu’elle puisse penser à lui avec indifférence, étonne Nicole. Pendant si longtemps l’idée de le perdre fut pour elle douloureuse. Elle se revoit, en mai 1921, achetant le journal et parcourant fiévreusement la liste des étudiants qui avaient obtenu des bourses. Son nom était bien inscrit là ; il partirait ; tout entre eux serait fini. C’était un sentiment pareil à celui qui l’étreindrait à la mort d’un être cher. Rupture sans rémission, elle en était certaine, déjà. Fin. La désolation l’envahit par grandes vagues, détresse sauvage qui montait des profondeurs de son être.

Nicole passait sous le tunnel de la rue Saint-Denis. Elle revenait de l’Hôpital Sainte-Justine, où Monique veillait son petit Jacques opéré pour