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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/194

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LA PLUS BELLE

vivre, s’il nous est interdit de composer des républiques idéales ». Ils avaient ensemble méprisé les opinions qu’ils ne partageaient pas.

L’amour d’Alain avait emporté Nicole loin des rêves calmes qui lui composaient depuis longtemps une reposante pastorale. Et lorsque Nicole avait été transformée, éveillée, conquise à cette tendresse, Alain l’avait livrée au vent capricieux de ses incertitudes, de son instabilité. Il avait pour un temps complètement détruit sa sérénité ; il lui avait imposé une torture quotidienne.

Un soir il arrivait, et comme un fiancé confiant, composait des projets où elle jouait un rôle de premier plan. D’avance, leur vie semblait une seule vie que le même toit abriterait. Il disait : « Nous ferons ceci, nous aurons cela, nous agirons ainsi ». Puis il disparaissait, cessait de téléphoner, de venir, d’écrire. Pendant deux ou trois semaines, elle espérait malgré sa volonté les lettres auxquelles il l’avait habituée. La tristesse, l’anxiété s’emparaient de son âme. Pourquoi se conduisait-il de la sorte ? Parfois, pendant cette période, elle le rencontrait à un concert, à une conférence ; il souriait de loin, mais il ne venait pas lui parler. Il ne l’attendait pas non plus à la sortie et s’attardait avec l’ami qui l’accompagnait. Soudain leur commune tendresse semblait anéantie.