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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/198

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LA PLUS BELLE

fond sa pensée ; comme les autres, il ne vivait pas sa foi, il séparait la religion du reste de son existence. Pourtant, pensait Nicole, nos jours ne comptent qu’à cause des desseins de Dieu sur nous. À quoi bon vivre ? À quoi bon vivre pour souffrir, et sans acquérir ni perfection, ni mérites, et sans jamais trouver le bonheur ? Ma souffrance de perdre Alain ne servira que si je répète de bon cœur : « Mon Dieu, que votre volonté soit faite ».

Le chant des religieuses traversait toujours les grilles. Nicole s’était tamponné les yeux. Apaisée, elle retrouverait cette certitude qu’elle conservait presque constamment : tout, au fond, finissait pour le mieux. La vie, en somme, continuerait même sans Alain.

Elle sortit. Les feuilles neuves bruissaient aux arbres, petites, à peine dépliées. L’air s’imprégnait d’un parfum de lilas en fleurs. Elle n’en voyait pourtant pas dans la triste rue Henri-Julien qui longeait alors un terrain vague, bossué, nu. Cette odeur s’échappait-elle du grand jardin clos du Carmel ? Elle l’imagina, ce jardin, semblable aux photographies du livre de Thérèse de l’Enfant Jésus.

Elle pensa à l’été, à la beauté du soleil de juin, aux joies qu’elle goûterait même sans Alain, au bord du lac de Sainte-Adèle, dans la maison que