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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/35

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CHOSE DU MONDE
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Aussi, pour donner à ses rêves un objet plus digne, avait-elle élu un vieux garçon élégant et riche, qu’elle voyait passer parfois à cheval. Les cheveux poivre et sel, grand, mince, la bouche un peu triste, il possédait extérieurement toutes les qualités essentielles à un héros de roman. Il ressemblait à ces tuteurs qui, dans les histoires romanesques qu’elle lisait encore, épousaient invariablement une enfant de dix-huit ans, intelligente et pauvre. Malheureusement elle le rencontrait aussi en compagnie de jeunes filles inconnues qu’elle croyait très vieilles car elles comptaient un peu plus de vingt ans.

Se méfiant, pour s’être si vite guérie de son sentiment pour Poupon Rose, elle n’osait parler de cette nouvelle passion à Monique, et encore moins à Nicole. À Claire plus rêveuse, elle se livrait davantage. Sa confidence faite, elles s’en amusèrent beaucoup et conclurent :

— La vie n’est sans doute qu’une série de toquades.

— Nos cœurs seront de vastes mausolées !

Mais Lucette, dont les sentiments modifiaient toujours les actes, étudiait plus vigoureusement son piano. Pouvait-on savoir ? En juin prochain, elle serait lauréate. Elle concourrait peut-être ensuite pour le prix d’Europe. Son nom attirerait l’attention du public. Elle jouerait à des concerts,