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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/48

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LA PLUS BELLE

Plusieurs soirs par semaine, elle soupait chez ; sa marraine, et assistait avec elle à un concert ou à une conférence. Celle-ci, demeurée célibataire, jouissait d’un peu de fortune et menait avec esprit une vie ordonnée. Quelques années auparavant, Aline de Villemure avait découvert que la petite fille qui, jusque là, ne venait lui faire que des visites de cérémonie, pétillait d’originalité et de talent. Elle l’avait alors attirée chez elle, et plus tard, poussée vers l’étude du piano. Elle prétendait avec raison qu’une jeune fille qu’un travail intéresse, passionne, est à l’abri du danger et des sottises.

Avec sa marraine, Lucette était expansive, riait autant qu’avec une amie de son âge. Mais un regret la tourmentait toujours. C’était à sa mère qu’elle aurait dû confier ses joies, ses idées, ses sentiments ; à sa mère si bonne qui ne vivait que pour ses enfants, dévouée jusqu’à la sainteté, réservant toujours pour eux les meilleures choses, prenant sur ses épaules les sacrifices et les lourdes tâches. Hélas, Lucette constatait déjà qu’en ce monde, nos cœurs impuissants ne savent comment réaliser leurs désirs. Mais alors, fidèle à ses principes, elle priait plus pieusement, plus souvent, plus ardemment.

Étrange Lucette, en vérité. Mi-rieuse, migrave, à la fois impulsive et réfléchie, légère et