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III


Le temps passe et parfois ne change rien.

Les vingt ans de Nicole, de Lucette, de Claire, de Monique sonnèrent les uns après les autres. Elles avaient espéré un enchantement brusque, parfait, et seules des puérilités motivaient encore leurs grandes joies. Aucune porte d’or ne s’ouvrait.

Lucette s’impatientait. Malgré ses amies, ses livres, son piano, que de jours perdus, perdus pour l’émotion, le sentiment. Rien d’essentiel ne se tramait pour elle dans les jours qui fuyaient. Le vide de sa calme existence lui pesait. Souvent, elle ne croyait plus assez à son talent musical pour bien travailler. Elle laissait sans progrès nouveau couler des heures. Un intérêt un moment éveillé la remplissait d’ardeur et cette ardeur, l’instant d’après, elle l’oubliait.

Un jour, à midi, une voisine monta chez elle en passant, une carte postale à la main. C’était une reproduction de tableau. Lucette désira la voir. Pendant qu’elle l’admirait, son amie lui expliquait :

— C’est Raoul qui envoie un mot à ce pauvre Jean Sylvestre. Sais-tu qu’il est très malade dans un hôpital de Rawdon ?