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IV


Toute sa vie, Monique avait longé la rue Rachel. Toute sa vie, elle avait habité la même maison, et par cette rue, à toute heure du jour, allait à l’église ou au couvent, ou chez ses amies, ou voir défiler les tramways Saint-Denis.

Petite fille, elle courait sans cesse. À quinze ans, elle volait, tant elle était emportée par l’espérance des choses futures. Elle aurait de grand cœur escamoté quelques années pour se trouver enfin hors du couvent, et en possession de ses rêves. Et voilà ; elle était devenue jeune fille. Elle longeait toujours la vieille rue Rachel, mais beaucoup plus lentement, avec moins d’entrain, moins d’illusions : les rêves reculaient, rien ne s’accomplissait.

Des lectures trop libres saccageaient sa fraîcheur d’impression. Sa foi manquait d’ardeur. Comment Dieu aurait-il pris le temps de penser à elle ? d’écouter ses supplications ? Elle observait maintenant la piété de Nicole, de Lucette, avec scepticisme et étonnement.

Elle espérait encore que la vie lui accorderait une grande partie de ses désirs. Mais les tracas