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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/72

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Sans devoirs, sans occupation, elle lisait avec excès. Tous les trois ou quatre jours, elle se rendait au Fraser changer ses livres. Par habitude, elle suivait la rue Rachel jusqu’à Saint-Denis, et descendait ensuite par la rue Sherbrooke, alors la plus belle rue de Montréal.

Monique ne sortait jamais seule. Souvent elle traînait à sa remorque la plus ennuyeuse de ses voisines, et celle-ci attisait sa mauvaise humeur, avec des idées toutes faites et exaspérantes. Elle disait à tout propos : « Nous qui sommes intellectuelles, nous qui aimons les arts, nous qui comprenons la nature… » et Monique la trouvait sotte et maniérée. Pour se dédommager d’avoir à la subir, elle la contredisait.

Quelle différence, si Nicole, Claire ou Lucette l’accompagnait. Animées, piquantes, les discussions se succédaient. Monique répétait modestement :

— Que nous sommes intelligentes, quand nous sommes ensemble !

Parfois, lorsqu’elles parlaient de la vie, Monique cessait maintenant d’être frondeuse et s’amollissant, confessait ses craintes :

— Dire que je ne ferai jamais ce que j’aime, que je n’aurai jamais ce que je désire ; que je ne serai jamais riche ! Ce qui console, ce sont les livres, le plaisir que l’on éprouve à lire… Et