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V


Comment l’optimiste Lucette aurait-elle pu se plaindre de la vie ? Maintenant surtout, dans l’enchantement de ce paradis terrestre ?


En descendant du train en retard, à l’Anse du Cap, une Ford antique les avait emportées dans la nuit profonde. Rien ne se devinait du paysage, que l’ombre plus noire des montagnes. La lune avait disparu.

À un détour du chemin montueux, Lucette aperçut les lumières d’une rotonde. Un instant plus tard l’auto stoppait, cornait. L’interne, et deux jeunes filles en chandail blanc, dont le rire aigu sonnait étrangement dans l’obscurité, vinrent jusqu’à la grille au devant des voyageurs, s’éclairant d’une lanterne pour trente pas à parcourir dans l’allée caillouteuse.

Un poêle ronflait dans le salon gai. Du phonographe sortait un air de danse. Mais un jeune homme roux, qui jouait aux cartes avec une infirmière, se leva et Lucette s’aperçut qu’il boitait. À côté d’une jeune fille qui lisait traînaient des béquilles. Intimidée par tant de nou-