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VII


Au début, Nicole ne s’aperçut pas de la grande transformation : ne plus se suffire, son bonheur suspendu à un coup de téléphone, à une lettre, son calme perdu, un état de fièvre, de surexcitation, un inconscient mépris des contingences. La chaleur sévissait sans l’affecter. Elle ne regrettait ni le lac, ni les bois, ni la campagne.

De Percé, Lucette lui écrivait son enthousiasme. Nicole ne songeait pas un instant à l’envier, trop absorbée, trop heureuse, trop occupée… Sa religion seule n’en souffrait pas ; pour le reste, quelle métamorphose. Sa nature auparavant positive, pratique, se dissolvait en rêverie perpétuelle.

Elle assistait toujours à une messe matinale. Au retour, en déjeunant, le nez dans sa tasse, elle guettait avec anxiété le bruit des lettres glissant dans la porte ; alors, elle abandonnait tout et courait s’enfermer dans sa chambre pour dévorer la longue épître d’Alain.

Ce n’était pas une lettre d’amour, non. Mais quelle douceur dans la certitude de recevoir chaque jour et de déchiffrer la même écriture ! Quelle douceur de divaguer à deux, sur les charmes d’une