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LE NOM DANS LE BRONZE

Ils remontent le fleuve plus agité. Furtivement, elle constate que Steven évite aussi son regard et que ses traits expriment la tristesse. Alors, un rideau noir, opaque, semble tomber entre elle et les félicités entrevues.

Leur silence devient oppressant ; il ne contient plus de bonheur diffus. Le grand fleuve ne reflète à présent qu’une lumière dure. Lui rappellera-t-il toujours cette douleur ? Elle voudrait pouvoir demander à Steven : « M’aimez-vous ? » Mais elle en est incapable, par pudeur : malgré son angoisse, elle sait bien que ce n’est guère à elle de parler. Et les doutes qu’elle emprisonne en elle-même la déchirent.

Le jeune homme, fidèle à son caractère inconséquent, rebelle devant les mots qui séparent à jamais, se reproche déjà d’avoir obscurci leur bonheur. Il voudrait reprendre la phrase chargée de sens qu’il a prononcée, la phrase qui n’a été que l’excuse de son recul devant les mots d’amour définitif. Il parle enfin, avec une feinte aisance, de choses indifférentes, remettant à plus tard la suite de cette conversation amorcée. C’est en vain. Marguerite ne peut plus dissimuler